Lecture par Marie-Christine Barrault suivie de la projection du film Zénon, l’insoumis
Zénon, c’est le héros de L’oeuvre au noir, célèbre roman de Marguerite Yourcenar, paru en 1968.
C’est aussi le personnage principal du film d’André Delvaux, incarné par Gian Maria Volonté, pour l’adaptation cinématographique du même roman, en 1988.
Mais que représente Zénon pour nous aujourd’hui et qu’est-il devenu ? En quoi ce philosophe, médecin, alchimiste, inventeur, issu de la Renaissance et complètement fictif, peut-il nous aider à appréhender son époque, mais aussi la nôtre et ses temps incertains ?
C’est le pari de ce film audacieux et atypique.
Marie-Christine BARRAULT
En sortant du Conservatoire, en 1965, elle entame une carrière au théâtre et à la télévision. Elle défend alors des textes de Max Frisch, Corneille, Sarraute, Claudel, Tchekhov, O’Neil, Marguerite Duras, sous la conduite de metteurs en scène exigeants, Gabriel Garran, Roger Planchon, Raymond Rouleau, Jacques Rosner… Eric Rohmer lui offre son premier rôle au cinéma dans Ma nuit chez Maud et elle sera l’inoubliable interprète de Cousin, Cousine de Jean-Charles Tacchella qui lui permet d’être nommée pour l’Oscar de la Meilleure Actrice de l’année 1976. Elle alterne alors le théâtre, le cinéma (Woody Allen, André Delvaux, Andrzej Wajda…) et la télévision (avec des réalisateurs comme Jean Lhôte, Claude Santelli, Michel Boisrond, Roger Vadim…) où elle incarne des personnages forts, adaptés de la littérature et de la réalité, tels que Marie Curie ou Jenny Marx. On l’a vu dans la mini série sur France 3, Jusqu’au dernier. Elle a créé un spectacle de chansons, L’Homme Rêvé, au Théâtre des Bouffes du Nord et en tournée, sur des textes de Roger Vadim et musiques de Jean Marie Senia. Elle a publié un livre autobiographique, Ce long Chemin pour arriver jusqu’à Toi, aux édition Xo. Au cinéma récemment elle a été la mère de Chiara Mastroianni dans le film de Christophe Honoré Non ma fille, tu n’iras pas danser et celle de Laurent Laffitte, Nicolas Bedos et Benjamin Biolay dans L’Art de la Fugue de Brice Cauvin. Au théâtre, on l’a vu à Paris et en tournée dans L’Allée du Roi de Françoise Chandernagor, Opening Night, L’Amour, la Mort, les Fringues de Danièle Thompson, Les Monologues du Vagin. Elle a joué récemment Les Yeux Ouverts (Dialogue entre Marguerite Yourcenar et Mathieu Galley) en tournée, après le théâtre du Chêne Noir au Festival d’Avignon en juillet 2015 et La Reine de Beauté de Leenane de Martin McDonagh au Festival d’Avignon 2017. Elle a enregistré des disques de chansons, de textes, dont Terre des Hommes de Saint-Exupéry, Vingt-quatre heures de la vie d’une femme de Stefan Zweig, de contes musicaux comme Pierre et le Loup de Prokofiev. De fait, Marie-Christine Barrault aime de plus en plus travailler en compagnie de musiciens – de solistes (Pascal Contet, Jean-Patrice Brosse, Yves Henry, François Frédéric Guy …), d’orchestres de chambre (Quatuor Ludwig…) sur des spectacles mêlant musique et texte. Reconnue aujourd’hui comme une des plus mélomanes des actrices françaises, elle est depuis 2007 présidente d’honneur des Fêtes romantiques de Nohant, festival qui se tient dans le Berry autour du souvenir de George Sand et de Chopin. Elle a joué tout l’automne dernier à Paris au Théâtre Rive gauche la pièce Confidences qui sera en tournée à partir du 1er Octobre 2018 dans toute la France.
PROGRAMME DE LA SOIREE
17h15 : Ouverture des portes du Château
18h : lecture de textes de Marguerite Yourcenar par Marie-Christine Barrault
19h : entracte
19h30 : projection du film “Zénon l’insoumis“
20h40 : fin
TICKETS :
LA REALISATRICE : Françoise Lévie
En collaboration avec Michèle Goslar et les Archives Marguerite Yourcenar de Bruxelles, nous cherchions à commémorer le trentième anniversaire de la mort de l’écrivain. Mais que dire, que raconter de neuf sur cette grande dame de la littérature ?
C’est alors que nous avons découvert à la Houghton Library (Université de Havard) aux États-Unis, les archives déposées par Marguerite Yourcenar, et plus particulièrement la correspondance qu’elle entretint pendant plusieurs années avec le cinéaste belge André Delvaux, autour de l’adaptation cinématographique de l’OEuvre au Noir.
En tout, une cinquantaine de lettres manuscrites échangées entre 1982 et 1987, de Linkebeek en Belgique à Mount Desert aux États-Unis.
Marguerite Yourcenar sortait d’une expérience douloureuse avec le cinéaste allemand Volker Schlöndorff. Elle n’avait pas apprécié son adaptation du Coup de grâce et s’était sentie trahie. Elle était donc bien décidée à se montrer plus prudente à l’avenir.
Aussi accueillit-elle la demande d’André Delvaux avec une certaine froideur. De plus, elle ne connaissait pas ses films. Pour elle, le réalisme magique qui imprègne les films de Delvaux ne lui semblait pas compatible avec le personnage de Zénon. Pourtant, peu à peu, il sut gagner sa confiance. Sa grande sensibilité, sa parfaite urbanité, sa fermeté aussi quant à l’indispensable indépendance du réalisateur finirent par la convaincre. Dans ses lettres, elle s’assouplit, va jusqu’à suggérer des idées de modèles masculins pour Zénon. Réagit parfois violemment face à des photos de repérages qui lui paraissent inappropriées…
Afin de mettre en scène cette correspondance, nous avons imaginé la présence de deux comédiens, Marie-Christine Barrault et Johan Leysen. Deux comédiens qui avaient déjà travaillé avec Delvaux, Barrault dans le très émouvant Femme entre chien et loup, mais aussi dans l’OEuvre au Noir où elle joue Hilzonde, la mère de Delvaux. Quant à Johan Leysen, il fut le geôlier de Zénon. Ici, dans Zénon, l’insoumis, Johan Leysen interprète le rôle d’un comédien qui veut jouer Zénon, le personnage principal de l’OEuvre au Noir, sur une scène de théâtre. Comment, se demande-t-il, traduire aujourd’hui l’actualité d’un homme du XVIe siècle ?
Il est guidé dans sa quête par les textes lus par Marie-Christine Barrault dans la maison de Marguerite Yourcenar, à Petite Plaisance dans le Maine, là même où ces textes furent écrits. Bien sûr, Marie-Christine Barrault n’est pas Marguerite Yourcenar, mais peu à peu, grâce à son talent exceptionnel de lectrice, on rentre dans la problématique de l’époque et ce que l’écrivain appelait le drame humain.
Inspiré par un tableau de Breughel, qui le mène vers les migrants du Parc Maximilien à Bruxelles, Johan Leysen se rend au musée de l’Anatomie de Montpellier où le personnage de Zénon fit ses études de médecine, puis à l’église de Jérusalem de Bruges, avant d’aller saluer Giordano Bruno à Rome. Mais ce sont les étranges polaroids pris par le comédien italien Gian Maria Volonté, l’acteur principal du film de Delvaux, pour se préparer au rôle, qui lui révéleront la vraie nature d’un Zénon.
Et l’on découvre alors cette surprenante et tragique coïncidence, qui fait que Marguerite Yourcenar, alors qu’on l’attendait sur le plateau en Belgique, meurt sur l’île de Mont Désert, au moment même où André Delvaux filme la mort de Zénon dans sa cellule de Bruges.
À travers les magnifiques textes de l’OEuvre au Noir lus par Marie-Christine Barrault, ponctués par quelques courtes interventions de Marguerite Yourcenar et des extraits du film de André Delvaux, le spectateur comprend que le livre, situé au XVIe siècle et paru en mai 1968, n’a absolument rien perdu de sa terrible actualité.
Françoise Levie
Réalisatrice